Droit du Numérique

Droit de réponse online (Art.6-IV LCEN):1ère application du décret

7 Décembre 2007, 13:22pm

Publié par Nicolas Herzog

Dans une ordonnance du 19 novembre 2007[1], le président du tribunal de grande instance de Paris a pour la 1ère fois fait application du décret n°2007-1527 du 24 octobre 2007 relatif au droit de réponse en ligne[2].
 
Les faits de cette affaire sont les suivants :
 
L’UFC Que Choisir a publié sur ses sites internet www.quechoisir.org et www.justeprime.org trois articles que les sociétés CNP Assurances (CNPA) et Caisse Nationale des Caisse d’Epargne et de Prévoyance (CNCEP) estimaient dénigrant et portant gravement atteinte à leur probité et leur professionnalisme.
 
A la suite du refus de publication d’une réponse adressée le 31 octobre 2007, la CNPA et la CNCEP ont, sur le fondement de l’article 6-IV de la LCEN et du décret du décret du 24 octobre 2007 pris pour son application, assigné en référé d’heure à heure l’UFC Que Choisir devant le président du tribunal de grande instance de Paris.
 
La CNPA et la CNCEP demandaient en substance que le tribunal enjoigne à l’UFC Que Choisir d’insérer, sous astreinte de 500 € par jour de retard, à la suite des trois articles litigieux le texte de leur réponse du 31 octobre 2007.
 
S’agissant de l’action engagée par la CNCEP le président du tribunal rappelle que :
 
« Le droit de réponse institué par l’article 6-IV de la loi du 21 juin 2004 est exercé au nom d’une personne morale par le représentant légal de celle-ci, qui doit pouvoir justifier de son titre à agir, mais n’est pas tenu, au contraire du tiers -tel qu’un avocat- intervenant au nom du requérant, de joindre à la demande d’insertion justification de sa qualité à représenter la personne morale, dont il est un des organes ».
 
Or, en l’espèce le magistrat relève que la CNCEP ne rapportait pas la preuve que l’auteur de sa réponse était habilité à agir en son nom.
 
Dès lors, le tribunal a rejeté l’action de la CNCEP.
 
S’agissant de l’action engagée par la CNPA, le tribunal rappelle que l’article 1 du décret du 24 octobre 2007 dispose qu’il n’y a pas lieu à exercice de la procédure de droit de réponse « lorsque les utilisateurs sont en mesure, du fait de la nature du service de communication au public en ligne, de formuler directement les observations qu‘appelle de leur part un message qui les met en cause »
 
L’UFC Que Choisir soutenait que dès lors que le site internet www.quechoisir.org comportait un forum de discussion sur lequel tout internaute pouvait librement intervenir, l’article 1 du décret interdisait à la CNPA de recourir au droit de réponse.
 
Le tribunal rejette l’argumentation de l’UFC Que Choisir en précisant que « les textes litigieux n’ayant pas été simplement adressés par des internautes sur le forum de discussion du site www.quechoisir.org, mais figurant au coeur de la partie rédactionnelle des sites l’envoi d’un simple message sur le forum de discussion d’un seul des deux sites contenant les trois textes dans lesquels la CNPA était nommée ne saurait constituer utilement un moyen pour celle-ci de formuler les observations que ces textes appelaient de sa part, au sens des dispositions susvisées. »
 
Toujours concernant l’action de la CNPA, le tribunal rappelle les dispositions de l’article 2 du décret du 24 octobre 2007 selon lesquelles « la demande indique les références du message, ses conditions d’accès sur le service de communication au public en ligne et, s‘il est mentionné, le nom de son auteur, qu’elle précise s‘il s‘agit d’un écrit, de sons ou d’images et qu’elle contient la mention des passages contestés et la teneur de la réponse sollicitée ».
 
Le tribunal constate en l’espèce que le texte de la réponse de la CNPA ne comporte aucune mention explicite des passages contestés.
 
Or, selon le tribunal l’article 2 du décret oblige le demandeur à l’exercice d’un droit de réponse sur internet à spécifier les propos précis, extraits du texte litigieux, qu’il conteste, soit en les reproduisant in extenso, soit en les identifiant suffisamment précisément au sein dudit texte, de sorte que le directeur de la publication puisse apprécier, notamment, s’il existe une corrélation entre lesdits passages et la réponse elle-même.
 
Dès lors, le tribunal rejette la demande d’insertion de la CNPA en la jugeant non-conforme aux dispositions de l’article 2 du décret du 24 octobre 2007.
 
Cette ordonnance, empreinte de bon sens, a le mérite de lever certaines interrogations qui pouvaient découler de la rédaction du décret.
 
 

[1] Ordonnance disponible sur le site legalis.net : http://www.legalis.net/breves-article.php3?id_article=2100
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